Rflexions sur l'conomie mondiale contemporaine
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en construction
2002, 2004 Jean Bellec
Les considrations "rgionales" ci-dessus ne doivent pas nous faire oublier les tendances lourdes qui rgnent sur l'conomie mondiale en gnral:
La croissance dmographique a fait tripler la population mondiale depuis 75 ans. Bien entendu cette croissance est avant tout le cas des pays "en voie de dveloppement". Cette croissance tait entrevue depuis plus longtemps et une vision simplifie avait permis l'cole de Malthus de faire des prvisions catastrophiques court terme sur les consquences de l'explosion dmographique. Les dtracteurs de Malthus, nombreux dans les pays o cette expansion a t matrise, se bercent peut-tre d'illusions sur la capacit d'adaptation de la Nature et des socits humaines. La croissance dmographique a un impact profond sur l'puisement des richesses naturelles non renouvelables court terme (bois, ptrole) plus que sur les produits de l'agriculture autrefois souponns de ne pouvoir subvenir l'excdent de population. De toute faon, croire que la "rvolution verte" ou les OGM soient la solution ce problme dmographique est une illusion.
L'automation et le machinisme, ns il n'y a gure que deux cents ans, ont eu et conserveront un impact probablement dfinitif sur nos civilisations. Notre droit (constitutionnel, civil, commercial) a cependant des racines antrieures la rvolution industrielle. Les notions de quantit de travail, de salariat ont t codifies avant cette rvolution. Les chanes de montage, les rseaux informatiques doivent tre considrs comme des avatars de la brouette. Certaines remises en cause des fondations du droit commercial et probablement l'intgration du droit du travail dans ce code devraient cependant s'imposer pour tenir compte que la quantit de travail n'est plus le seul facteur de cration de richesses.
Internet est devenu un moyen incontournable d'acclrer les relations entre individus et surtout les entreprises. Certes, l'avion avait permis des relations en moins de 24 heures entre tous les pays du monde mais les tlcommunications sont de loin moins coteuses et plus rapides. Des oligopoles ou des monopoles qui s'taient tablis sur les relations transnationales en deviennent dvaloriss. En parallle, les monopoles de transport maritimes et ariens tablis par les tats s'effondrrent et cet effondrement fur un important facteur de la baisse des cots de transport et par consquent une mondialisation de l'offre des marchandises.
Cette mondialisation a eu comme consquence la ruine de certaines entreprises industrielles -c'est dire de production de marchandises- situes dans les pays salaires nominaux levs. Les holdings financires restes puissantes tirrent un trait sur leurs branches industrielles et se mirent rver sur les moyens d'engranger du profit sur des services immatriels (finances, assurances, informations) et sur la consommation de biens fugitifs et consommables (retransmissions sportives, cinma, musique, jeux). Les marchs de ces produits, essentiellement asymtriques au profit des fournisseurs, tablirent des prix relatifs dmesurs pour l'change de tels biens. La croyance dans le dveloppement exponentiel de cette branche nouvelle de l'conomie permit aux acteurs de payer avec une nouvelle monnaie cre de toute pice : la valeur de leurs actions. Les acteurs de cette "nouvelle conomie" n'avaient, semble-t-il, pas prvu que le consommateur final n'tait pas prt payer l'quivalent en vrai argent pour ces biens et des surprises dsagrables, comme le piratage des biens virtuels, apparurent.
La "valeur" des entreprises est considre soit comme le prix d'change des entreprises en cas de vente et d'acquisition, soit comme le produit du nombre d'actions par leur valeur cote en bourse. Pour des raisons difficiles expliquer (probablement cause des mcanismes des marchs financiers, la valeur cote fluctue en fonction de critres conjoncturels indpendants de l'entreprise) et, pour des entreprises saines, il est assez usuel que la "valeur la casse" soit suprieure la valeur cote (surtout lorsqu'on consolide la valeur propre des filiales). Le march de vente et d'acquisition d'entreprises est par nature trs troit, ne fait que rarement l'objet d'un appel d'offres public la concurrence, et est donc plutôt opaque. Les marchandages de dernire minute, le montant des stock-options des dirigeants en place conduisent des variations importantes du "goodwill" (diffrence entre le prix de la transaction et de la "valeur" estime par les banques conseil, elles mmes rarement totalement dsintresses). La transaction ne s'effectuant pas souvent en cash, les instruments de paiement sont eux-mmes des variables fluctuantes (les paiements par changes d'actions, les obligations plus ou moins convertibles, des conditions de portage plus ou moins avantageuses). D'autre part, au moins officiellement, le "goodwill" reprsente des actifs intangibles de l'entreprise achete: le renom de ses marques, la part de march, le portefeuille de brevets, la valeur de ses dirigeants ou de ses cadres. La dprciation de ces actifs est souvent nettement plus rapide que leur dprciation comptable : il est frquent que cadres et clients s'vaporent au cours du premier exercice suivant l'acquisition. On constatera alors que le seul actif intangible acquis par l'acqureur est l'accroissement de la part de march par disparition d'un concurrent. Seulement, ses autres concurrents en auront aussi bnfici !
D'autre part, l'inflation cre par la survalorisation des actions tait incontrle (peut-tre incontrlable) par les rgulateurs financiers, privs d' peu prs tous leurs moyens rgaliens par la politique librale qui leur est impose par le lgislateur ou des accords internationaux. Les taux d'intrts rels ngatifs ne suffirent pas contenir la perte de confiance de l'opinion, et dans une moindre mesure des oprateurs des marchs, dans beaucoup d'entreprises pendant la crise des annes 2000.
Un fonctionnement sain des marchs financiers bas sur actions et obligations
assurerait aux actions des dividendes gaux au taux d'intrt des obligations
majors d'une prime de risques de valeur "raisonnable". On est bien loin
des 15% considrs comme l'objectif des chefs d'entreprises au plus fort
de la bulle financire. En ralit, ces 15% n'ont que trs rarement t
verss comme dividendes, mais ont t intgrs la plupart du temps dans
la valeur boursire des entreprises, travers des acquisitions.
Le management, s'attribuant des complments de salaires par le mcanisme
de stock-options, avait intrt cette ascension des cours de bourse,
laissant croire aux actionnaires que c'tait un jeu gagnant-gagnant. Des
directeurs financiers, rompus aux arcanes des prsentations de budget
acrobatiques, devenaient les vritables dirigeants des entreprises, manipulant
les provisions, les dlocalisations fiscales et les dconsolidations de
filiales. Le prsident de l'entreprise devait jouer un rle de communicateur
pour donner confiance des analystes financiers, eux-mmes pas toujours
dsintresss, pour maintenir la "confiance des marchs".
Des rvolutions de la thorie conomique
sont annonces chaque prix Nobel, chaque fois que l'on s'est rendu capable
de distinguer une corrlation entre deux phnomnes mesurables.
Malheureusement,
certaines de ces tudes ne semblent pas avoir distingu le phnomne cause
du phnomne effet.
L'intrt port aux mesures faites sur le cot des objets cots en bourse,
a conduit des tudes sur la volatilit des drives secondes des phnomnes
rels (niveau et prix des biens rels produits et consomms), dforms
par des mesures primes (rsultats dcals au moins de 3 mois) et amplifies par
des comportements pr-enregistrs dans les ordinateurs de traders, responsables
en pratique du volume des transactions dclenches. Les produits drivs
(dont au premier titre, les marchs terme de produits) ont t introduits dans le
passé pour fluidifier le niveau des prix dans une conomie où
les produits (ou les matières premières) étaient
transports par bateau, une poque o l'on ignorait le contenu et la
date d'arrive de la cargaison. Notre systme conomique hrite de pratiques
o les incertitudes et les mensonges taient la loi commune sur le "march"
de l'information.
Les premiers thoriciens de l'conomie ont le plus souvent fait l'hypothse
que les prix sur le march de l'information taient nuls et que acheteur
et vendeur avaient les mmes droits et possibilits de ngociation. En
pratique, il est vrai que les cots de production de l'information conomique sont devenus
trs faibles avec l'omniprsence de l'informatique, mais ce march de
l'information est par excellence asymtrique et monopolis par les acteurs
du monde financier (agences de notation, diffuseurs, gnrateurs de produits
drivs...). Certes, Internet apporte la diffusion quasi-instantane des
transactions sur les produits cots, mais de nombreux points importants
restent secrets dans les transactions (et plus particulirement les M&A
-fusions/acquisitions-). Un "nettoyage" des habitudes du monde
des entreprises et des officines qui en font commerce reste faire et
les propositions de "bonne gouvernance" des entreprises me paraissent
encore insuffisantes.
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