Nouvelle conomie et Vraie Valeur. Entreprises sans Usines ?
2001, 2002 Jean Bellec
mise jour du 06 nov. 2002
Alcatel
avait annonc le 27 juin 2001 son intention de se rorganiser, de se
restructurer, en externalisant presque totalement sa production. Bull
depuis 1992 avait pris aussi ce virage en fermant ou en cdant ses
dernires usines.
Il est tentant de dfinir " l'entreprise du futur " comme constitue d'une "pompe phynances " alimente par un groupe rduit de stratges et d'ingnieurs crateurs encadrs par un lite de financiers et des ordinateurs. Pour des gens comme la plupart de ceux d'entre nous qui ont vcu dans un modle d'entreprise industrielle, la perspective de se dbarrasser des usines de production a quelque chose de choquant au prime abord. Il faut bien analyser les sources de cration de valeur. On se limitera ici aux produits physiques qui certes sont concurrencs dans le siphonnage de notre porte monnaie par des produits virtuels (cinma, jeux vido), et des services (transport, soins, vacances) ou purement abstraits (investissements financiers), mais qui ne paraissent pas devoir remplacer totalement les objets dont nous nous servons ou ceux dont les prestataires de services se servent. Une premire source de valeur est une avance
technologique qui permet d'inventer des produits dont la demande
excde la capacit de l'offre -au moins court terme- et par
voie de consquence permet des marges substantielles. Bien entendu,
l'avance technologique ne donne pas le rsultat escompt lorsqu'elle
ignore les attentes du march (en termes de fonctions et de prix). Trop
souvent les constructeurs ont dpens des sommes considrables pour des
objectifs qui laissaient le consommateur indiffrent (harmonisation des
gammes, esthtique des architectures). Durant cette priode d'excs
de la demande, il est de l'intrt de l'inventeur de ne pas disperser la
marge avec des sous-traitants et de fabriquer sinon tout le produit tout
au moins ses composants innovants . La seconde source de cration de valeur
est la diminution des cots, source de cration de profits non
seulement pendant la priode d'innovation mais aussi pendant la
croisire du produit. Cette diminution des cots est elle-mme fonde
sur des amliorations technologiques des machines outils, sur la
diminution des stocks, sur l'efficacit des circuits de distribution, et
sur la ngociation des achats. L'opinitret des commerciaux est aussi
considrer, mais dpend de la sensibilit du march des facteurs
relevant tant de la psychologie que de la conjoncture et son influence
dcrot lorsque le march devient parfait (prix libres et connus,
rabais sur quantits non faits la tte du client). |
C'est
en particulier le cas lorsque l'investissement en machines de fabrication
est plus faible (cartes mres) et o davantage de concurrents
apparaissent. Un gros distributeur a comme argument de ngociation les volumes qu'il peut ngocier. Cependant cela reprsente un risque dans lequel sont tombs nombre de grands ensembliers, c'est de s'engager sur des ensembles obsoltes. Il doit alors demander au sous-traitant un partage des risques sur les stocks, ce qui redistribue la marge vers l'amont, c'est dire du ct de la fabrication. Le sous-traitant peut prfrer des contrats d'alliance long terme sans autres engagements qu'une fidlit au sous-traitant et une ngociation des prix au cas par cas des contrats mirifiques ngocis avec des pressions d'acheteurs qui seront plus tard dsavous par l'ensemblier redistribuant aux cabinets d'avocats la marge du produit. Il existe aussi une troisime origine aux crations de marges de profit, c'est la rente de situation sur des produits anciens rsistant une simple substitution par des produits plus modernes (pices de rechanges d'ensembles fixes coteux, hritages de systmes complexes). On retrouve dans ce cas des situations o la demande excde les capacits de l'offre. Les marchs militaires, ceux des composants d'infrastructure sont de cette nature. Le problme pour l'entrepreneur-distributeur est de savoir identifier les "legacy products" et d'en garder la matrise de fabrication, car le client peut en chercher la maintenance chez le fabricant et non plus le distributeur. Vouloir conserver la rente sur les produits obsoltes n'implique pas ncessairement d'en conserver la fabrication pendant toute la vie du produit, mais il faut tre prt "rapatrier" la sous-traitance en temps utile. Bien entendu, le dploiement d'efforts de R&D pour liminer ses " legacy products " au profit de ses produits nouveaux et de ceux de ses concurrents peut s'avrer une hardiesse imprudente dans le cadre d'un march ouvert la comptition. On voit ainsi que le problme de l'entreprise zro usines ne peut se rduire de simples effets d'annonces usage boursier et que la stratgie d'une entreprise de grande taille est un mtier trs difficile. Mais il faut aussi savoir que les entreprises mono-produit prennent des risques extrmement levs surtout lorsqu'elles vivent l'abri de monopoles lgaux qui risquent de disparatre lorsque est (r)tabli rgime concurrentiel. L'conomie doit tre vue comme un
systme vivant comportant de nombreuses cellules- acteurs pouvant mourir
soit de fatigue, soit de pondration excessive La vraie " croissance
" ne provient que de l'invention cratrice et se dbat avec des
considrations cologiques, et dmographiques.. L'ensemble est
vulnrable des virus de nature politique ou conomique ou plus
simplement un cancer d la prolifration explosive de certaines
entreprises inutiles. |